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Le Qatar, nouveau royaume du sport ?

Dernière mise à jour : 27 sept. 2020



« Le sport, porté par ses valeurs humanistes et sa capacité à susciter l’adhésion, l’identification et l’émotion, est devenu un outil de communication au service de la diplomatie de nombreux pays », ces mots de Thierry Come et Michel Raspaud résument assez bien la situation dans laquelle est le Qatar aujourd’hui. A défaut de bénéficier d’une armée suffisamment compétente, le Qatar a dû développer des compétences autres afin de jouir d’une place majeure sur la scène internationale. La réputation qatari dans le monde passe donc par le soft power et entre autres par une diplomatie sportive omniprésente, apparue depuis une décennie. Dans un contexte de conflit avec ses voisins du Golf Arabique, le pouvoir d’influence sportif est un outil non négligeable pour le Qatar afin de sortir de son isolement sur le plan international. En effet le fond d’investissement qatari (Qatar Sport Investissent) est propriétaire du Paris Saint Germain depuis 2012, et convoiterait le club des Leeds United en D2 anglaise. De plus ce pays de la péninsule Arabique souhaite accueillir les principaux événements sportifs. Cela a été le cas pour la coupe du monde de Handball en 2015, de cyclisme en 2016, ou plus récemment celle d’athlétisme en septembre dernier. Mais le Qatar va également accueillir la coupe du monde de football en 2022 et de natation en 2023. Néanmoins le développement de cet Emirat comme acteur phare du sport mondial est sujet à de nombreuses controverses, notamment dans l’organisation des différentes compétitions sportives.


En effet le Qatar, pays de la péninsule Arabique, est soumis à de fortes chaleurs tout au long de l’année. Ces conditions sont peu propices à l’épanouissement sportif des athlètes, voire dangereuses pour leur santé lors d’épreuves intenses. Cette chaleur a notamment été un sujet de controverse en septembre dernier lors des mondiaux d’athlétisme de Doha, où nombre de sportifs ont lutté contre une chaleur étouffante. Malgré des mesures prises par les organisateurs de la compétition, comme la mise en place de stades climatisés où une programmation des épreuves la nuit, la température a tout de même nuit aux sportifs. En effet on recense de nombreux abandons, des malaises, et des entraînements assez atypiques, tel Yohan Diniz (marche athlétique) qui s’est préparé dans les couloirs de son hôtel. De fait le climat qatari est difficilement conjugable au plein épanouissement des sportifs, néanmoins l’attribution d’évènement sportifs mondiaux continuent d’affluer vers le Qatar. C’est le cas de la coupe du monde de football en 2022, où la chaleur fait également polémique. Malgré des stades entièrement climatisés réduisant considérablement la chaleur, les scandales suscités par la température ont poussé la fédération internationale de football (FIFA) à ne pas réitérer l’expérience des années passées. De fait le tournoi se déroulera en Hiver pour que les températures ne soient pas trop fortes. La mise en place de la compétition à cette période fait polémique et questionne encore sur l’attribution de l’organisation de celle-ci dans un pays comme le Qatar.


Le pays de Cheikh Hamad (émir du Qatar) ne bénéficie pas d’une véritable culture du sport, et d’un engouement pour les compétitions sportives. De fait l’Emirat présente une limite supplémentaire, quant à l’attribution des compétitions en son sein, celle du supporterisme. Cela s’est notamment remarqué aux mondiaux d’athlétisme de Doha en septembre dernier, avec des tribunes dépeuplées et une ambiance morose. Paradoxalement on a pu voir lors de ces mondiaux des athlètes célébrant leur victoire devant des tribunes vides. De nombreux athlètes s’en désolent, c’est le cas de Kevin Mayer (décathlon) : « On voit tous que c'est une catastrophe, même si personne ne le dit. Il n’y a personne dans les tribunes, c’est triste. On n'a pas mis les athlètes en avant en organisant les Championnats ici, on les a mis en difficulté ». On a recensé seulement 50 000 billets vendus avant le début des mondiaux. Afin de pallier ce manque d’engouement les organisateurs ont distribué des billets gratuits aux enfants et aux migrants.


Au-delà des questions d’organisations, le fait que le Qatar obtienne ce genre de compétitions sportives soulève également d’autres problèmes. En effet la question du droit des travailleurs a émergé. L’organisation de ces événements sportifs a fait apparaître une demande accrue de travailleurs pour la construction d’infrastructures sportives. Néanmoins, malgré des réformes naissantes d’assouplissement de droit du travail, le Qatar fait polémique. En effet de nombreuses associations dénoncent les conditions de travail que subissent ces ouvriers, dont parmi eux bon nombre d’étrangers venus chercher du travail. Que ce soit l’ONU ou Amnesty international, tous appellent le Qatar à abandonner son système de parrainage ouvrier (Kalafa) qui met ces derniers à la merci de leurs employeurs. Malgré une communication très opaque des autorités qatari sur ces conditions, de nombreux médias recensent des centaines, voire des milliers de morts sur les chantiers des stades accueillant la coupe du monde de football. La confédération internationale des syndicats a elle estimé qu’au moins 4000 ouvriers pourraient trouver la mort dans l’Emirat d’ici 2022.


Après avoir passé en revue ces nombreux défauts, nous pouvons affirmer que le Qatar n’a pas le profil adéquat d’un pays hôte. Pourtant il fait partie des pays qui accueillent le plus de compétitions sportives durant ces dix dernières années. Des soupçons de corruptions ont alors pesé sur le pays gazier. Ces soupçons se sont révélés être fondés, en effet en janvier 2013 « France Football » évoque un « Qatargate », ce petit Etat et la FIFA aurait eu recours à des arrangements. En effet l’hebdomadaire évoque une « réunion secrète » au palais de l’Elysée entre l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy, le président de la Fifa, Michel Platini, et le prince du Qatar, Tamin bin Hamad al-Thani. De plus l’ancien vice-président de la FIFA, Mohamed Bin Hamman, aurait versé 5 millions de dollars à différents dirigeants en charge du dossier de candidature pour s’assurer de leur soutien.


A travers tout cela on voit alors que l’organisation des compétitions sportives mondiales dans des pays comme le Qatar prend en considération des facteurs autres que le facteur principal : le sport. La tournure que prend l’organisation de ces événements est d’autant plus regrettable qu’elle donne une mauvaise image du sport, tout en mettant en danger de nombreuses personnes. Cela donne à voir le sport non plus comme une fête ou un rassemblement de personnes passionnées, mais comme une occasion de se démarquer sur la scène internationale, dans le cas du Qatar, au dépend de la pérennité du sport mondial.


Louis Jéhannin.

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