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L’élargissement de la politique d’intégration de l'Union européenne : vers une UE à 37 ?

Depuis sa création en 1957, l'Union européenne (UE) s’est élargie de 6 à 28 États membres, aucune nouvelle adhésion n'a eu lieu depuis 2013. En revanche, l'UE a connu pour la première fois en  2020 une rupture dans son projet européen avec le départ du Royaume-Uni, réduisant ainsi le nombre  d'États membres de 28 à 27.  

Pourtant, l’élargissement de l'UE, qui désigne le processus permettant à de nouveaux États d'adhérer à  l'Union dès lors qu'ils remplissent des critères politiques et économiques spécifiques, est inscrit dans  l'identité même de l’Union européenne. Ce processus repose sur le rapprochement des États, comme un  moyen de garantir la paix, la stabilité et la prospérité sur le continent européen. 


Néanmoins, la guerre en Ukraine a relancé l'élargissement européen vers les pays d'Europe centrale et orientale en une priorité stratégique pour renforcer la sécurité, stabiliser le continent et  accroître l’influence de l’UE. En août 2023, Charles Michel, président du Conseil européen, a annoncé que  l'UE devrait accueillir de nouveaux membres d'ici 2030. Et, lors du sommet de Grenade en octobre 2023,  les dirigeants européens ont engagé des discussions sur l'élargissement dans le cadre de l'Agenda  stratégique 2024-2029.  

Il apparaît donc que l’invasion russe de l’Ukraine en 2022 a conduit l'UE à accorder rapidement le statut  de candidat à l'Ukraine, à la Moldavie et à la Géorgie. Ces pays, membres du Partenariat oriental depuis 2009, sont devenus prioritaires pour renforcer la sécurité et l'influence de l’UE dans ce contexte  géopolitique.  


Cependant, cette décision pour l’Est européen a provoqué des tensions avec les Balkans  occidentaux, où des pays attendent leur adhésion depuis des années. En effet, ils avaient reçu une  perspective européenne en 2003 avec un processus de stabilisation et d’association politique, mais seule  la Croatie a rejoint l'UE depuis. Leur intégration a ralenti après l'intégration des pays d'Europe de l'Est  entre 2004 et 2007, en raison de crises multiples, de réformes inabouties, et de défis d’intégration. En  2014, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a annoncé une pause dans  l’élargissement pour consolider l'UE, ce qui a freiné les progrès des Balkans.  

Selon un rapport du Sénat français en 2023, cette lenteur a suscité découragement et recul du soutien  populaire dans la région, offrant un terrain propice aux influences russe et chinoise. Pour y répondre, l'UE  a présenté une stratégie d’élargissement en 2018 pour encourager les réformes et envisager l'adhésion du  Monténégro et de la Serbie - les pays les plus avancés - à l'horizon 2025. En 2023, un plan de croissance  de 6 milliards d'euros a été lancé pour soutenir les Balkans, conditionné à des réformes structurelles.


Il apparaît donc que la construction d’une Union à 37 implique la rencontre de multiples acteurs. On  retrouve, bien sûr, les pays candidats, tels que la Turquie, les pays de l’ex-Yougoslavie, l’Albanie, la  Géorgie, la Moldavie et l’Ukraine ; et le pays demandant l’adhésion, à savoir le Kosovo. L’Union européenne et ses États membres sont, eux aussi, au cœur de cette construction, dont certains  se montrent réticents à l’idée d’un élargissement sans réformes internes préalables.  Nous pouvons également noter l’influence, dans ces régions candidates, des acteurs géopolitiques  extérieurs, notamment la Russie et la Chine.  



On constate que le projet civilisationnel européen à 37 soulève des enjeux et des défis à travers tout le  continent :  


  • Ce projet porte, avant tout, des enjeux économiques : l'intégration des nouveaux États membres au marché unique présente des avantages économiques majeurs grâce à une extension et une  diversification du marché, mais nécessite des réformes structurelles coûteuses pour préparer ces pays  avec les standards européens et stabiliser ces régions.  


  • L'intégration pose des enjeux politiques et géopolitiques à l'UE, qui doit concilier démocratie et  stabilité. Face à la guerre en Ukraine et aux tensions dans les Balkans, elle lutte contre la corruption,  stabilise ces régions et sécurise ses frontières, tout en affirmant ses principes et en promettant des  réformes sans créer un vide de pouvoir.  


  • L'élargissement de l'UE soulève aussi des enjeux aux niveaux des réformes budgétaires et institutionnels internes. Un rapport franco-allemand de 2023 préconise des réformes, comme la  majorité qualifiée, un budget accru, la défense de l'État de droit et la création de quatre cercles  d’intégration pour être prêt à accueillir des nouveaux États membres.  


  • L’intégration européenne engendre des enjeux d’intégration. L’accueille des dix pays candidats et  demandant l’adhésion nécessite de respecter les critères de Copenhague pour préserver les institutions  européennes. Elles imposent donc des réformes politiques, économiques et institutionnelles. Le rythme  d'adhésion dépend de la volonté politique et de la capacité des candidats à mettre en œuvre ces  réformes de manière durable. 


  • De plus, un rapport de force oppose les pays candidats. L'adhésion accélérée de l’Est, au nom de la  priorité géopolitique, a créé des tensions et une compétition avec les Balkans qui demandent la  reconnaissance de leurs réformes.  


  • L’élargissement de l’Union européenne illustre le défi d’équilibrer souveraineté nationale et intégration régionale. Les États candidats doivent accepter un transfert partiel de leur souveraineté en  adhérant aux règles communes, un dilemme souligné par les théories de l’intégration. Cette dynamique  vise à garantir une stabilité durable par un rapprochement progressif des nations.  


  • L’intégration européenne est aussi une compétition géopolitique et civilisationnelle. Les Balkans et les  pays d’Europe de l’Est deviennent des zones d’influence, des espaces de confrontations où l’UE se  heurte aux ambitions de la Russie et de la Chine. Ce contexte complexifie le projet d’unification,  pourtant essentiel pour la paix et la prospérité en Europe. 



Dès lors, il y aurait 3 scénarios d’issue possibles à la construction d’une Union à 37 :  


  1. L’adhésion rapide : les pays candidats intègrent rapidement l'UE, renforçant l'unité  européenne avec 37 Etats membres mais risquant une surcharge institutionnelle surtout sans  réformes de toutes les parties à l’intégration.  

  2. L’adhésion conditionnelle : l'UE impose des critères stricts et des réformes pour garantir une  intégration réussie, mais ralentit l’adhésion des candidats. 

  3. Le blocage ou partenariat étroit : sans adhésion formelle, l’UE mise sur un partenariat  renforcé pour limiter l'influence d’autres puissances sans intégrer les candidats totalement.

 

Lucas GRISEL




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