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Covid-19 : une leçon de géopolitique ?

Dernière mise à jour : 28 août 2024



Le 17 novembre 2019, le premier malade infecté par le Covid-19 apparaît en Chine, à Wuhan, dans la province du Hubei. Il faut cependant attendre le 30 janvier 2020 pour que l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) alerte la République populaire de Chine puis le reste du monde de l'état d'urgence de santé publique de portée internationale, et le 11 mars 2020, l'épidémie devient officiellement une pandémie. Sont touchés la plupart des pays dans le monde, et de nouveaux foyers se créent, comme en Italie, France, et désormais New-York, aux États-Unis.


Outre les théories du complot, mesures de confinement, crashs boursiers et compagnie, le Covid-19 est aussi un révélateur de la politique d'aujourd'hui, des fractures et des différences entre les pays. Cette pandémie mondiale réarrange les cartes et met en évidence les lacunes ou résiliences de chacun des gouvernements, ce qui nous permet de les analyser. « Le covid-19, une leçon de géopolitique ? » est une façon de s'intéresser aux dessous de la politique des Etats, et de se demander quelles sont les conclusions que l'on peut en tirer.


Dans un premier temps, nous partirons de l'Asie du Sud-Est, et des pays qui, après la Chine, ont été les premiers à être percutés par la vague du Coronavirus : les dragons asiatiques. Nous nous pencherons plus précisément sur Taïwan, l'île isolée que l'on essaye de faire taire depuis le début de cette pandémie mais qui pourrait bien être un modèle, et sur le cas des deux Corées, dont les différences et ressemblances ressortent plus que jamais en ces temps de crise. Dans un deuxième temps, nous tenterons d'analyser le deuxième foyer de contamination : l'Europe. Comme pour l'Asie, nous prendrons deux cas, qui seront d'une part l'Union Européenne, et son inactivité flagrante face aux «coronabond », et l'Angleterre, qui pensait pouvoir s'éloigner de l'UE avec son Brexit mais qui vient peut-être bien d'être rappelée à l'ordre. Enfin, dans un troisième et dernier temps, nous examinerons le dernier continent à essuyer les secousses du virus, le continent américain ; avec les États-Unis au Nord qui devient le nouveau foyer mondial, et le Brésil au Sud qui effectue des saltos politiques empêchant une réaction adaptée à la pandémie.

La propagation du virus en Asie du Sud-Est : quelles ont été les réactions des « dragons asiatiques » face à cette pandémie ?

Taïwan, « l'autre » Chine qui a tenté d'alerter le monde, mais que l'on a fait taire


Pour contextualiser la République de Chine tant dans son histoire que par sa géographie, il faut rappeler qu'elle est située au sud est de la Chine, en pleine mer de Chine, est que son île principale est Taïwan, d'où l'abus de langage fréquent. À la suite de la seconde guerre mondiale et de l'intervention de l'armée populaire de libération, la république de Chine ne contrôle plus que quelques îles, dont celle de Taïwan, et à partir de 1970, elle n'a plus de siège à l'ONU, remplacée par la République Populaire de Chine (RPC). La RPC devenant la deuxième puissance mondiale, acquérant une grande influence, et disposant notamment d'un siège au conseil de sécurité de l'ONU, elle revendique Taïwan, allant jusqu'à empêcher les autres pays de la reconnaître comme pays et en la radiant de la plupart des instances internationales, onusiennes notamment.


À l'heure actuelle, Taïwan n'est donc pas considérée comme un pays, ne peut officiellement pas dialoguer diplomatiquement avec les autres pays, ne dispose pas d'ambassades à l'étranger, et est notamment exclue de l'OMS (Organisation Mondiale de la Santé). Il est donc intéressant d'observer les actions, réactions, et tensions, de Taïwan, à travers le prisme du Covid-19.


Tout d'abord il faut savoir que Taïwan, tout comme la plupart des pays asiatiques, a été gravement touchée par l'épidémie de SRAS en 2003, mais que contrairement aux pays reconnus, elle n'a pas reçu d'aide de la part de l'OMS. Mais Taïwan a retenu les leçons du SRAS, et dès 2004 a mis en place un Centre de commandement national de la santé, l’un des piliers du centre de gestion des catastrophes qui organise la communication et le contrôle des opérations à tous les échelons de l’administration du pays. Aussi, quand l'épidémie s'est déclarée à Wuhan, Chine, Taïwan était prête, et le 20 janvier 2020, le dispositif jusque là en veille a été activé.


Deux mois plus tard, les résultats parlent d'eux-mêmes. La performance taïwanaise est érigée en modèle par les institutions internationales, celles-là mêmes qui l'avait ignorée à la demande de la Chine communiste. Les touristes en provenance de Wuhan étaient pistés et mis en quarantaine, des détecteurs de fièvre installés dans les ports et les aéroports, la production de masque lancée à plein régime et leur prix fixés par le gouvernement, un point quotidien transmis chaque jour par la présidente ou le vice-président afin de tenir la population informée de l'évolution de la situation. Autant de réflexes que d'autres pays auraient dû appliquer dès le départ.


Une déduction possible de cette situation et que, face à la pandémie mondiale du Covid-19, Taïwan est peut-être l'une des seules nations à avoir su réagir correctement. Être bâchée par la Chine continentale ne l'a pas empêchée de s'élever au rang des pays développés.

Toujours en Asie du Sud-Est, et pour rester dans le thème de nations divisées en deux et portant le même nom, il peut être judicieux d'observer le cas des deux Corées, et leur façon de réagir au Coronavirus.

Les deux Corées, un pays séparés en deux depuis 1953, divergences et points communs ?


Séparées depuis 1953 après la guerre de Corée, prétexte de la guerre froide entre les États-Unis et l'URSS, la Corée du Nord et la Corée du Sud s'opposent autant qu'elles se ressemblent. Comment ont-elles géré l'épidémie ? Quelles ont été leurs premiers réflexes, et qu'est-ce que cela dévoile quant à leur mode de gouvernement ?

Tout d'abord, rappelons que l'économie de la Corée du Sud, ouverte sur le monde et capitaliste, s'est fortement développée à partir des années 1980, éclipsant celle de sa voisine, qui s'est enfoncée après la crise agricole dont elle a été victime. La Corée du Sud est devenue l'un des « dragons asiatiques », un pays fortement développé, à la pointe de la technologie, démocratique, et disposant d'institutions souples et efficaces ; tandis que de l'autre côté de la frontière, il s'agit d'une dictature, au développement relatif, axant son économie sur l'armée et les essais nucléaires, avec un fort protectionnisme et peu d'informations s'écoulant à l'extérieur (en cela, elle se rapproche donc de la Chine communiste).


On remarque tout d'abord la différence de traitement de l'information : la Corée du Nord n'a, officiellement, aucun cas de coronavirus détecté sur son territoire, le virus ne serait pas parvenu jusqu'à elle, pourtant, on sait que des milliers de personnes sont confinées. Tous portent des masques, un confinement a été observé, et des malades affluent dans les hôpitaux.


La Corée du Sud, quant à elle, explique que les personnes infectées sont suivies, testées, admises dans les hôpitaux puis soignées. Aucune mesure de confinement n'a été prise pour la population, car les cas de coronavirus sont traités, des masques sont distribués chaque jour, il n'y a pas de pénurie de gel hydroalcoolique, le gouvernement utilise tous les moyens possibles et imaginables pour endiguer la pandémie : détecteurs de fièvre, application, SMS urgent (avec une sonnerie très forte pour alerter) admission gratuite dans les hôpitaux si testé positif, etc....Ainsi, la Corée du Sud a su gérer cette pandémie rationnellement, et sans confinement.


Ainsi, les deux Corées ont su gérer ce virus avec les moyens du bord, l'une en confinant drastiquement et en censurant les informations, l'autre en ayant recours aux applications et la technologie de pointe. Cependant, des ressemblances peuvent être relevées : la réaction éclair des deux gouvernements, la facilité avec laquelle la population s'est adaptée aux consignes (port du masque, symptômes précurseurs, gestion des hôpitaux, etc...) sont autant de preuves qu'une mentalité commune a existé.

Le virus se propage en Europe : ce sont les premières secousses telluriques de la pandémie

La disparité entre les pays de l'Union Européenne (+Angleterre)


L'Union Européenne est constituée de vingt-sept pays, et possède des institutions économiques, politiques, et financières ; pourtant, elle est paraît bien démunie face au Covid-19 et ses conséquences. En ce temps de crise, les pays se sont refermés sur eux-mêmes, l'affrontant chacun de leurs côtés, et il n'est pas question d'entraide, mais même de coups bas (cf la république tchèque volant des masques destinés à l'Italie). Quelle est donc la réponse de Bruxelles face aux « coronabond », aux récessions économiques, aux tensions inter-étatiques ? Est-ce que mutualiser les dettes des États membres est vraiment la solution pour atténuer la gigantesque crise qui s'annonce ?


Ce que l'on constate, ce sont les faits : il a fallu attendre le mercredi 1er avril pour que la présidente de la commission européenne, Ursula Von der Leyen, annonce une décision : la mise en place du plan Sure, pour « atténuer les risques de chômage en cas d'urgence », dégageant une enveloppe de cent milliard d'euros. Elle plaide un appel à la solidarité, seule façon pour l'Europe de s'en sortir, engageant un budget qui endettera les générations futures. Plus que jamais, les nations se concentrent sur elles-mêmes, les services de santé de chaque pays sont mis à rude épreuve, et malgré les balbutiements d'une entraide entre les pays, le réflexe de se tourner vers l'autre n'est pas assimilé.


De plus, on remarque les disparités entre les pays. Ursula aura beau appeler à la solidarité, il n'empêche qu'en temps de crise, les populations se tournent vers leurs gouvernements, les système de santé font ce qu'ils peuvent pour leurs pays, et si les entraides existent, elles sont minimes. Ainsi, l'Italie a été la première et la plus gravement touchée, suivie de la France, de l'Espagne, et maintenant de l'Angleterre, mais on entend peu parler des pays d'Europe de l'Est, qui ne se pressent pas non plus pour proposer leur aide, tandis que la situation est tout à fait vivable voire normale dans les pays scandinaves. L'UE va-t-elle un jour parvenir à unir autant de pays, et donc de mentalités et de réflexes différents ?

Dans ce contexte exceptionnel, l'Angleterre se démarque encore : elle se veut éloignée de l'UE, traçant son propre chemin, s'appuyant sur ses propres ressources. La Manche la sépare du continent, on croirait que c'est un océan. Mais dans les faits, qu'en est-il ?


Juste avant la pandémie mondiale, le premier ministre anglais était parvenu à acter la sortie de l'Union Européenne de l'Angleterre. Cette dernière avait mis du temps avant d'intégrer la CEE, et n'avait pas adopté l'euro comme monnaie officielle par exemple, on pourrait donc penser qu'il y avait des signes précurseurs à cette fracture entre l'île et le continent. L’Angleterre avait peut-être comme idée, dans un coin de son esprit: le Commonwealth, cette organisation réunissant les anciens pays colonisés et qui lui promet une assise géopolitique, un soft power puissant, des marchés bilatéraux. En quoi peut-on dire que le Covid-19 a éloigné ces rêves de l'empire anglais et l'a rappelé à l'ordre ? Car en ces temps de crise, l'Angleterre essuie autant les pots cassés que le reste de l'UE, les discours moralisateurs d'Ursula en moins, et elle ne s'appuie que sur elle-même et ses NHS.


Cependant, pour la quatrième fois seulement depuis le début de son règne, la reine d'Angleterre Elizabeth II a prononcé un discours à l'ensemble du Royaume-Uni et du Commonwealth, appelant à la solidarité, au respect des règles de sécurité, à l'attente. Si son discours est similaire à celui d'Ursula Von der Layen, il a surtout une portée internationale, atteignant des millions de personnes à travers tous les continents : la force du Royaume-Uni ne se dévoile-t-elle pas à travers sa reine ?

La Russie :encore victime de déformations ?


Enfin, force est de constater que malgré les grands discours, les accords passés, les promesses faites, ce ne sont pas les pays d'Amérique du Nord qui sont les proches de l'UE et qui envoient leur aide, mais bien les Etats qui sont plus proches géographiquement, et avec qui les Etats membres ont une histoire plus ancienne. On pense notamment à la Russie, qui a envoyé une aide humanitaire composée de médecin à la mi-mars en Italie pour aider (ce qui est passé totalement inaperçu en France), réalise de nombreux tests pour trouver un vaccin au Covid-19 (dans la ville de Novobrisk ) et a envoyé des appareils respiratoires aux européens, alors même que ceux-ci étaient en désaccords avant la pandémie et que les européens avaient désavoués les entreprises russes.


La désinformation continue de frapper toutes les actions du gouvernement de Poutine : la Russie envoie une équipe de virologues et de militaires pour venir en aide à l'Italie, débordée, et est dans les premiers Etats à réagir avec la Chine. Pourtant, ce geste paraît soit inaperçu, soit déformé, car on prête alors à la Russie une arrière-pensée, prétextant qu'elle ne fait ce geste que pour s'infiltrer au sein de l'Union Européenne. Alors que penser des pays membres qui n'ont pas réagi face à l'appel à l'aide de l'Italie?


Si la confirmation du confinement et la suite de la « semaine chômée » n'ont officiellement été présentées que début avril par le président Poutine (03.04.20 au cours d'une télé-réunion du conseil), la Russie agit de façon à limiter la propagation du virus depuis les premiers signes d'alerte en Chine. Arrêt des vols en provenance de Wuhan, mise en quatorzaine de toute personne venant d'Asie ou d'Europe à partir de la mi-février, recherche active de vaccin, construction d’hôpitaux préfabriqués sur le modèle de Wuhan, puis mise en confinement et déclaration de l'état d'urgence du pays. Si les bilans sont lourds, il faut relativiser par rapport à la taille de la population.


La question des fake news, désinformation, est toujours présente. On se croirait de retour à la guerre froide, lorsque les deux puissances opposées s'accusaient mutuellement de vouloir attenter à leur gouvernement, et dévoilaient l'existence d'agents malveillants. Tour à tour, Washington accuse la Russie d'avoir envoyé le virus sur le terrain américain, Moscou réplique que les européens essaye de déstabiliser le peuple russe et que l'on ne peut faire confiance aux Yankees, la France sous-entend que la Russie est à la traîne alors qu'elle-même n'a toujours pas réagi à la menace, et au milieu l'Italie agonise et appelle à l'aide. Ce que l'ont peut dire, c'est que même au cours d'une pandémie mondiale, la politique prend le dessus, l'information reste vitale, l'image d'un pays doit parfois primer pour à la fois rassurer sa population, et ses alliés politiques.

La dernière vague frappe le continent américain : le nouveau foyer de la pandémie

Les États-Unis, ou la confirmation des limites de leur système ?

Les États-Unis, pays prônant le libéralisme et le mercantilisme, se vantant d'être le pays de toutes les chances, et où l'argent règne en maître, est en passe de devenir le nouveau foyer de la pandémie et a dépassé, en ce début du mois d'avril, le nombre symbolique des cent mille morts dus au coronavirus. À leur tête, un président qui fait des voltiges verbales entre l'appellation du corona une « grippette qui disparaîtra avec la belle saison » et désormais des plans d'action pour soulager l'économie, gravement affectée par la pandémie mondiale.

Le système américain de santé est très complexe, mélangeant assurance publique et privée, avec à l'intérieur desdites assurances privées différents « plans » (A, B, C, ou D), et a été en plus de cela bouleversé par l'Obamacare, en 2014. Bien que les États-Unis soit le pays qui dépense le plus (33% du budget) parmi les pays de l'OCDE, c'est aussi l'un des pays où les soins médicaux coûtent le plus cher (pour diverses raisons) et le seul pays industrialisé développé ne disposant pas de système de santé universel. Pourtant, les CDC (centres de contrôle et de prévention des maladies) sont présents sur tout le territoire, avec quinze mille personnels déployables. De manière générale, les hôpitaux, matériels, et personnels, sont à la pointe de la technologie. Seulement, la couverture sociale ne suit pas.


Aujourd'hui, le taux de chômage explose aux EU, et avec lui le nombre de personnes perdant leur accès aux couvertures médicales basiques : il y a donc des centaines de personnes qui meurent car elle ne peuvent s'offrir les soins en réanimation nécessaire. Pour l'instant, début avril, c'est surtout la ville de New York qui compte le plus de personnes infectées et qui est devenu le nouvel épicentre mondial du virus, mais d'ici la mi-avril, la contagion atteindra l'ensemble du pays, sans distinction d'états ou de métropoles, comme le prévient la docteur Deborah Birx, conseillère auprès de Donald Trump.


Donald Trump est par ailleurs adepte du changement de ton, puisque du jour au lendemain, il déclenche l'état d'urgence (13 mars 2020) quand la veille ou presque il dénigrait les risques. Cela n'a pas empêché le virus d'atterrir sur le territoire américain et d'y faire des ravages, et on ne peut s'empêcher de penser que s'il avait envisagé une réponse plus tôt, il n'y aurait pas eu autant de morts. Heureusement, les EU étant un pays fédéral, certains gouverneurs (comme ceux de l'Etat de NY, ou de Californie) ont demandé à leurs concitoyens d'appliquer les mesures de confinement et de distanciation sociale nécessaire.


Les failles du système américain se dévoilent au grand jour face à cette épidémie : un système de santé payant, une réactivité trop lente, un président qui essaye à la fois de rassurer ses électeurs républicains, les investisseurs, et les entreprises, dont les chiffres d'affaire s'effondrent en même temps que Wall Street. Les EU peuvent-ils toujours se targuer d'être la nation la plus puissante au monde, le meilleur pays avec l'accomplissement du rêve américain ? Cette pandémie aura au moins le mérite de remettre les pendules à l'heure.

Le Brésil : le covid-19 comme révélateur des fractures du pays


Le Brésil, état sud-américain immense et densément peuplé, se fait particulièrement remarquer pour la gestion de la pandémie mondiale. Le président, Jair Bolsonaro, déclare en effet ne pas y croire, refusant d'appliquer les recommandations de l'OMS, prenant des bains de foule, et s'opposant ainsi à une grande majorité de la population. En effet, si Bolsonaro, d'extrême droite, bénéficiait au moment de son élection et de son mandant d'un fort soutien de la part de la droite, il est en train de perdre tous ses soutiens. En quoi le coronavirus est-il révélateur des inégalités et des fractures de cette ancienne colonie portugaise ?


Tout d'abord, le Brésil est l'un des pays qui risque d'avoir le plus grand nombre de morts au vu de la gestion de la crise sanitaire et de ses installations. En effet, une partie de sa population (6% ) vit dans les favelas, ces bidonvilles collées aux grandes villes, et est dépourvue de matériel sanitaire, d'accès aux soins médicaux, et victime du chômage qui guette l'arrêt de l'économie brésilienne. Mais même dans les grandes villes telles que Sao Paulo, Brasilia, et Salvadore, les citadins s'y entassent, les gens continuent de sortir sans appliquer la distanciation sociale préconisée, et les hôpitaux ne pourront pas tous les prendre en charge. Enfin, dans les états du Nordeste, contrairement au Sudeste où la population est majoritairement blanche et riche, le manque de moyens financiers, humains, sanitaires, risquent de faire des ravages.


Le Brésil est un état fédéral, à la manière des États-Unis, où chaque province est dirigée par un gouverneur. Normalement, les états sont très dépendants du président et du pouvoir central pour obtenir des subventions et des autres aides afin d'appliquer leurs politiques locales. Pourtant, depuis le début de cette pandémie, on remarque une véritable fracture entre le président Jair Bolsonaro et les différents gouverneurs, du Sud notamment. En effet, tandis que le président qualifie le Covid-19 de « petite grippe » et encourage les Brésiliens à continuer de travailler, deux hommes en particulier se sont distingués en appliquant le confinement et l'état d'urgence dans leurs provinces : il s'agit du gouverneur de l'Etat de Rio Wilson Witzel et du maire de Sao Paulo, Bruno Covas. La politique ne disparaissant jamais des radars, Wilson Witzel était déjà pressenti pour être le concurrent principal de Bolsonaro aux présidentielle 2022, et sa gestion de la pandémie dans son état pourrait bien faire pencher la balance en sa faveur. Leur opposition n'est pas anodine, car en agissant ainsi, ils encourent des pénalités. C'est une première, dans l'histoire du Brésil, de voir autant d'hommes politiques s'opposer au président. Même le ministre de la Santé, Luiz Henrique Mandetta, farouchement opposé au Président mais ayant les risques qu'engendrerait la pandémie, se fait mettre des bâtons dans les roues.


Bolsonaro marque aussi une première sur la Twittosphère. Pour la première fois, Twitter a décidé de supprimer deux des trois vidéos postées par le président brésilien, où il allait à l'encontre des préconisations de l'OMS et critiquait l'hypocrisie qui entourait le Covid-19. « Twitter a récemment annoncé dans le monde le renforcement de ses règles pour prendre en compte les contenus qui vont éventuellement à l’encontre des consignes de santé publique émanant de sources officielles et qui pourraient augmenter le risque de transmission du Covid-19 », a expliqué Twitter dans un communiqué, dans le cadre d'un renforcement du contrôle des contenus allant à l'encontre de la santé publique. Un président qui se fait censurer sur Twitter est très certainement une première pour ce réseau social.


Il en a été ainsi jusqu'au mardi 31 mars, où Bolsonaro a opéré un volte-face des plus acrobatiques, prononçant un discours consensuel, comme s'il prenait enfin la pleine mesure du coronavirus. S'est-il rendu compte qu'il s'était aliéné quasiment tous les gouverneurs du pays et des députés dans son propre camp ? Que seuls ses trois fils, sous l'emprise d'un gourou occulte, le soutenaient ? Qu'en déduire ? Le Brésil peut-il se fier à un président qui change de discours aussi rapidement, qui ne met pas en place d'état d'urgence, et qui ne pense qu'à l'économie de son pays ?

Existe-t-il donc une appartenance au village global théorisé par Marshall McLuhan ?

L'expression de village global, ou village planétaire, a été utilisée pour la première fois par le Canadien Marshall McLuhan, dans son ouvrage The Medium is The Message, publié en 1967. les caractéristiques de son village global sont : une interconnexion très importante grâce aux médias de masse et aux nouvelles technologies de communication, l'abaissement des barrières de la langue et des frontières, le sentiment d'appartenance à une seule communauté à travers le monde. Quand il écrit son message, McLuhan considère que c'est déjà le cas, et il se contente de théoriser une phénomène qui existe déjà. Le Covid-19 n'est-il pas la preuve définitive de l'appartenance à ce village global ?


En effet, nous vivons désormais dans un monde unifié, où les micro-sociétés sont quasiment fondues dans une seule gigantesque société, et avec cette pandémie, la planète est en train de vivre au même rythme, celui des malades. L’interactivité n'a jamais (ironiquement) été aussi forte, et une véritable prise de conscience planétaire s'est opérée face à ce virus (bien que tardivement chez certains dirigeants...).


Alexandrine Fernont

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